Né pauvre et handicapé, Wayne Raney a eu une vie extraordinaire. Il reste indissociable des Delmore Brothers, ayant produit avec eux parmi les plus belles plages de la musique country.
Né dans une ferme près de Wolf Bayou dans l’Arkansas le 17 août 1921, Wayne Raney souffre d’un pied malade (maladie de Charcot-Marie-Tooth) qui ne le prédispose pas aux travaux de la ferme. Il décide d’être musicien, mais il est trop pauvre pour s’acheter une guitare ou un fiddle. Il apprend alors à jouer de l’harmonica - le plus humble de tous les instruments - par lui-même. Un hobo 1 de passage, Chester Smith, musicien blanc manchot, lui en montre toutes les ficelles. Plus tard, Wayne expliquera : "Ce qui m'attire dans l'harmonica, c'est le son de la solitude qui s'installe en chacun de nous, des fois".
À 11 ans, il part à Atlanta en Georgie, à la rencontre des ses idoles, les Delmore Brothers. Il y enregistre pour Bluebird deux titres qui ne seront pas publiés rapport au mauvais son des enregistreurs. À treize ans, pour ne pas être à la charge de ses parents, il quitte la maison familiale pour aller jouer à la frontière du Texas et du Mexique à la station de radio XEPN. Puis, malgré son pied malade, il tournera à peu près partout aux États-Unis, vivant de petites représentations et de shows radio partout où l’on veut bien de lui.
Malgré son jeune âge, Wayne chantait déjà et était un maître de l'harmonica, avec l'ambition, l'imagination et la croyance en Dieu, il était certain qu'absolument rien n'est impossible. Wayne retournera souvent à sa maison pour chercher des petits boulots, mais reprendra la route rapidement. En ces jours, il fallait soit marcher soit faire de l'auto-stop. Wayne disait qu'il n'avait pas peur de faire de l'auto-stop, car les gens s'arrêtaient pour l’emmener et pouvaient lui offrir de la nourriture et un endroit pour passer la nuit.
En 1937, à l’âge de seize ans, il obtient un travail à la radio KWK de Saint-Louis dans le Missouri. Il rencontre Lonnie Glosson et en 1938 tous les deux vont jouer à Little Rock en Arkansas. Wayne travaillera aussi avec le Stuart Hamblin Show sur radio KFWB de la Warner Brothers à Hollywood, faisant deux courts métrages. En 1939, il revient à Saint-Louis et trouve un emploi dans le Cousin Emmy Show sur la station de radio KMOX. En 1939, il travaille dans le Brush Creek Follies sur Radio KMBC à Kansas City. Au début des années 1940, Wayne et les Wilburn Brothers font des spectacles à travers l'Arkansas, le Missouri, l'Illinois et le Tennessee.
Puis en 1941, il est engagé à la station WCKY de Covington, près de Cincinnati dans l’Ohio. Il se marie cette même année avec Loys Southerland et aura trois enfants : Wanda, Zyndall et Norma Jean. Mi-1946, Wayne retrouve les Delmores Brothers et leur propose ses services, que les frères acceptent volontiers prévoyant d’étoffer leur formation. Leur premier enregistrement ensemble a lieu vers septembre 1946. Wayne accompagne les Delmores sur 14 morceaux dont le merveilleux "Freight Train boogie" où son harmonica rugit comme une locomotive s’époumonant sur les pentes des Appalaches. Il chante aussi un superbe gospel "The Wrath of God" et un blues prémonitoire "Harmonica Blues".
Wayne en 1947
Wayne dans les années quarante
Carte publicitaire King
Le premier disque sous son nom sera l’instrumental "Fox Chase". L’année suivante, ses premiers hits voient le jour : "Lost John Boogie" et "Jack and Jill Boogie". Avec Lonnie Glosson, fait unique, il vend sur radio XERF, 5 millions d’harmonicas en 4 ans et en fera un instrument populaire. Cet exploit demeure encore aujourd'hui comme la plus grande des ventes radio jamais réalisée. On a dit de Wayne qu’il pouvait vendre des boules de neige aux esquimaux !
Son grand succès sera "Why Don't You Haul Off and Love Me" en 1949, accompagné à la french harp 2 par Lonnie Glosson et aux guitares par les Delmores. Ce titre montera en première place des charts country. Wayne continuera à jouer avec les Delmores jusqu’à la mort de Rabon, en instrumental, mais aussi parfois vocalement dans de merveilleux vocaux à trois.
Magazine des disques King, 15 février 1949
Au début des années 50, Wayne commence à jouer au Grand Ole Opry en étant engagé par A.V. Bamford de Nashville. Il est en tournée principalement avec Hank Williams, Ernest Tubb, Lefty Frizzell, Minnie Pearl, Rod Brasfield et Lonzo et Oscar. La tournée l’emmènera à travers les États-Unis d‘Albuquerque à Memphis. Wayne est invité à rejoindre le show régulier du Grand Ole Opry, mais il refusera. Il dira plus tard : « C’était peut-être une erreur ».
Wayne et un orchestre non identifié à Nashville, vers 1950
En tournée avec Ernest Tubb, 1950
Wayne, Lefty Frizzell et Bert Prince en tournée à Toronto, Canada, début des années cinquante
Doyle Stricklin, les Mercer Brothers (lesquels étaient musicalement les plus proches des Delmores) et Wayne, comme ils se présentaient au Louisiana Hayride, vers 1950
Publicité dans Country Song Roundup, 1953
Il joue aussi au Louisiana Hayride et continue à enregistrer pour King jusqu’en 1955, puis pour Decca et Starday. Il gravera des plages également pour Columbia avec Lefty Frizzell. En 1955, il anime sa propre émission de télévision sur KRCG à Jefferson City, Missouri, et on le verra plus tard sur le show télé The California Hayride, à Stockton, en Californie.
Annonce The Amarillo Daily News (Texas) 14-03-1953
Annonce The Bakersfield Californian (California) 21-03-1953
Annonce The Bakersfield Californian (California) 12-09-1953
Wayne Raney, Lefty Frizzell, Joe Knight, Jimmy Rollins November 1953, Jim Beck's studio, Dallas, Texas
Wayne, Novembre, 1953
Le Wayne Raney T.V. Show sur KRCG à Jefferson City, Missouri en 1955. Debouts depuis la gauche : Johnny Duncan, Kinky King, Joe Calahan et Wayne. Assis : Bill Calahan et le rockabilly boy Teddy Riedel au piano
En 1957, il compose et chante le gospel standard "We Need a Whole Lot More of Jesus (and a Lot Less Rock and Roll)" avec la Raney Family. De 1957 à 1961 il travaille également comme disc-jockey de musique country sur la Station de Radio WCKY à Cincinnati. Wayne a inventé la Mega-Harpe à la fin des années cinquante et la vendra aussi par le biais de ses émissions de radio. Cependant, il en arrêtera la vente lorsque le coût de production deviendra trop élevé.
Wayne, Loys, Wanda, Norma & Zyndall en 1959, répondant aux commandes. Parfois, le courrier était tellement lourd, qu'il fallait une camionnette pour transporter les commandes au bureau de poste
Publié en 1958 par Wm. Kratt Co.
La Mega-Harp et son paquet
Le panneau Rimrock Records à Concord, Arkansas
En 1961, Wayne emballe sa famille et va s’installer à Concord, dans l’Arkansas, juste en haut de la route où il est né. Il achète une ferme de 70 hectares avec des bovins de race Angus noir et pendant un certain temps, il semble être content de porter la salopette et d'élever du bétail, mais bientôt il commence à tenir le tempo au rythme bruyant du vieux tracteur John Deere et la musique remplie sa tête encore une fois.
Il se passe peu de temps avant que Wayne ne construise le Studio d'enregistrement Rimrock avec un équipement de fabrication de disques vinyle. À cette époque, elle était la seule entreprise de ce genre dans l'état de l'Arkansas. En 1974, Wayne vends son entreprise à Stax Records à Memphis et déménage à 11 kilomètres de là, à Drasco. À la fin des années soixante-dix, il fera sa dernière apparition au show télé Hee Haw.
Août 1970, le Ralph Emery Show, Studio WSM. Debouts depuis la gauche : Crystal Gail, The Wilburn Brothers, Peggy Sue, Loretta Lynn, le frère de Gail Sue & Lynn, Merle Haggard et Wayne. Assis : Ralph Emery
Wayne & Lonnie, Waynesboro, Tennessee, août 1982
Les vieux amis, jouant toujours à la fin des années quatre-vingt
En 1990 il publiera son autobiographie : "Life Has Not Been a Bed of Roses". Cette même année, les docteurs diagnostiqueront un
cancer de la gorge et des poumons. Son larynx devra être enlevé chirurgicalement. Sa voix claire comme le cristal ne sera plus jamais entendue.
Malgré cela, Wayne ne perd pas son sens de l'humour. Avec son dispositif de voix artificielle tenu près de sa gorge, il plaisantera sur l’étrange
son de robot venant de sa bouche. Tout le monde rira bientôt avec lui et sera très à l’aise.
Trois ans après le diagnostic de cancer, le rideau tombe sur l'histoire de Wayne Raney le 23 janvier 1993.
So I started playin’, (Alors j'ai commencé à jouer,)
I made the harmonica cry,
(J'ai fait pleurer l'harmonica,)
But the story will never end, (Mais l'histoire ne
s'arrêtera,)
Till I lay down and die. (Que quand la vie m'aura quitté.)
(“Harmonica Blues”, 1946)
Enfant, les docteurs lui avaient prédis qu’il passerait le reste de ses jours en fauteuil roulant… Il aura marché toute sa vie
sans canne !
Ses enregistrements avaient le même rare parfum d’authenticité que ceux des Delmores et avec son harmonica, il aura pleinement contribué à leur
succès chez King. Auteur compositeur, on lui doit plus de 200 chansons. Artiste innovateur de la musique country, il mérite aussi amplement le titre
de précurseur du rockabilly et du rock and roll avec des titres tels "Jack and Jill Boogie", "Lost John Boogie", "Del Rio Boogie", "Red Ball to
Natchez" ou "Real Hot Boogie".
1. Vagabond voyageant cachés dans les trains. 2. Harmonica.
RÉCOMPENSES
Admission à titre posthume au Disc-Jockey Hall-Of-Fame,
March 5, 1993. Nashville, Tennessee.
Admission à titre posthume au Western Swing Society Hall of Fame,
October 2, 1994. Sacramento, California.
À titre posthume, remise du Ozark Pioneer Award, Batesville, Arkansas.
February, 1999.
Admission à titre posthume au George D. Hay Country Music Hall Of Fame, Mammoth Springs, Arkansas.
September 17, 2000.
Toute addition ou correction bienvenue. Votre nom cité.